TopFlop d’un bicentenaire
Après une journée inaugurale qui s’est clôturée par le somptueux spectacle sons et lumières « Inferno » inspiré du poème de Victor Hugo « Expiation », ces vendredi et samedi 18 et 19 juin se déroulent dans la plaine de Waterloo – pardon, de Braine l’Alleud – la plus grande reconstitution jamais réalisée de la bataille qui mit un terme définitif au règne de Napoléon. Je n’y serai pas mais pour avoir assisté l’an dernier à une reconstitution plus modeste, j’imagine sans peine le réalisme et l’éclat de cette bataille décisive pour l’histoire et la construction européennes. Cela vaut bien un petit Topflop.
Top : la prouesse technique
5.000 figurants venus du monde entier, 300 chevaux et 100 canons, les différentes phases de bataille reconstituées deux jours durant sur les lieux mêmes où elles eurent lieu, l’installation de bivouacs fidèles en tous points à ceux de l’époque : la passion des reconstitueurs est impressionnante, le spectacle grandiose.
Flop : un mort
Dès le premier jour, alors même que les hostilités n’étaient pas engagées, un reconstitueur toujours au bivouac a fait un arrêt cardiaque. Un mort, comparé aux quelque 15.000 qui jonchèrent le champ de bataille il y a deux cents ans, c’est déjà trop.
Top : sous le signe de la paix
Le tout nouveau musée de la ferme d’Hougoumont, haut lieu de la bataille, ainsi qu’un monument aux soldats anglais, ont été inaugurés mercredi en présence de la Princesse Astrid, du Prince Charles d'Angleterre et de son épouse Camilla. Jeudi, le Premier ministre Charles Michel a ouvert la cérémonie protocolaire au pied de la butte du lion par un discours de paix. « Les ennemis d’hier sont devenus les alliés les plus solides sur les plans politique, économique et diplomatique… Plus qu’une bataille, c’est une réconciliation que je veux célébrer aujourd’hui », a dit le Premier ministre dans un discours en français, néerlandais et anglais, auquel assistait le roi Philippe et la reine Mathilde, le grand-duc Jean du Luxembourg et le roi Willem-Alexander des Pays-Bas, ainsi que leurs épouses. Les descendants du duc de Wellington, du maréchal Blücher et de Napoléon ont ensuite échangé une poignée de mains symbolique. La descente des rubans aux couleurs des patries combattantes et une danse équestre ont suivi cette cérémonie de paix. Quinze coups de canon ont ensuite retenti dans le ciel brabançon, suivi de l’hymne européen de Beethoven.
Flop : la bouderie française
Ni le président français François Hollande ni Manuel Valls n’avaient jugé bon d’assister aux cérémonies commémoratives. Manuel Valls a même négligé de répondre à l’invitation du bourgmestre de Braine-l’Alleud, la commune sur laquelle se déroulèrent l’essentiel de combats et, lorsque celui-ci, rencontré par hasard, lui rappela l’invitation, le premier ministre s’étonna : « Pourquoi ? C’était une défaite ! »
Alors, certes, la France, ce jour-là, perdit la bataille. Ou, devrais-je dire, la face ? Mais que je sache, l’Allemagne perdit la guerre en 1918 puis en 1945. Cela n’empêche pas Angela Merkel de participer à bien des commémorations, précisément parce qu’elles sont placées sous le signe de la réconciliation entre les peuples et de la solidarité européenne née à la suite de ces différents conflits. Les dirigeants français n’ont, semble-t-il, pas perçu la dimension hautement symbolique de cette commémoration, n’y voyant qu’une reconstitution grandiose, un spectacle haut en couleurs dont ils ne sortiraient pas grandis alors que c’est précisément leur absence qui ne les grandit pas. Auparavant déjà, ilsavaient pris la mouche parce que la Belgique s’apprêtait à frapper une pièce de 2 euros commémorant l’événement. L’absence des hauts dirigeants français peut-elle être interprétée comme une bouderie, une revanche pour ce crime de lèse-majestés ? Allez savoir. Notons cependant que nombre de leurs compatriotes figurent parmi les reconstitueurs, à commencer par Napoléon lui-même, l’avocat parisien Franck Samson, qui incarne l’Empereur depuis dix ans et annonce son « abdication » après Waterloo. Humour ou lassitude ?
Top : les reconstitueurs
Elle est sans pareille la passion qui anime ces hommes et ces femmes endossant régulièrement l’uniforme de grognard ou les corsages d’époque pour évoquer l’épopée napoléonienne sur tous les champs de bataille napoléoniens d’Europe. Et Dieu sait s’ils sont nombreux. Tantôt leur armée gagne, tantôt elle perd. Les épouses et les enfants accompagnent, veillant à l’intendance depuis des bivouacs où ils vivent comme au temps de l’Empereur, dans des tentes de fortune, sans confort, cuisinant à même le feu de bois, pour faire vivre l’histoire. Ils méritaient bien l’exposition de leurs portraits géants dans les rues de la Braine l’Alleud et de Waterloo. Le photographe Frédéric Pauwels leur a simplement demandé de s’imaginer dans leur rôle à la veille de cette bataille qui serait peut-être la dernière pour eux. Le résultat est magistral (ici).