C'était hier
Je sais : avant même qu’elles ne débutent, certains en ont déjà assez des commémorations du centième anniversaire de la Seconde guerre mondiale. Des cérémonies, des hommages, des émissions de radio et de télévision, des bouquins et des numéros spéciaux… La barbe ! Eprouvent-ils le même ras-le-bol pour la Coupe du Monde de football ? Elle aussi, pourtant, squatte nos écrans. Elle aussi célèbre le patriotisme… enfin, le chauvinisme.
Bon, d’accord, la guerre éclatait il y a cent ans. Un siècle ! Pour les enfants, les jeunes et pas mal d’adultes, c’est une durée impossible à appréhender. Quand j’étais petite, cette guerre me semblait dater de l’Antiquité et les monuments aux morts ne m’inspiraient qu’indifférence et ennui. À quel moment commence-t-on à s’intéresser au temps qui passe ? Quand prend-t-on conscience de l’importance du passé et du poids de l’histoire ? Quand ? Pour moi, c’est arrivé assez récemment, avec mes recherches généalogiques et le besoin croissant de transmettre, précédé de celui de comprendre.
Or, donc, il y a très précisément cent ans aujourd’hui, l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l'Empire austro-hongrois et de son épouse la duchesse de Hohenberg, déclenchait la Première Guerre mondiale. Pour commémorer l’événement, la ville d’Ypres avait été choisie pour accueillir le sommet européen d’hier et avant-hier, qui déboucherait sur la nomination du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne. Avant de se réunir, les chefs d’État et de gouvernement européens assistèrent donc, sous la porte de Menin, à la cérémonie du Last Post en hommage aux soldats disparus, qui s’y déroule tous les jours depuis 1928, à l’exception des quatre années d’Occupation entre 1940 et 1944. J’imagine que l’émotion était grande lorsque la chancelière allemande, Angela Merkel, est allée saluer quelques habitants présents derrière les barrières de sécurité. Elle le fit avec naturel et simplicité. Un symbole fort.
Si les tranchées de l’Yser restent parmi les images emblématiques de ce conflit ô combien meurtrier, c’est cependant à Liège qu’il avait réellement débuté le 4 août 1914, lorsque l’armée allemande envahit la Belgique, pourtant neutre. On ne le savait pas encore, mais dix millions d’Européens, soldats et aussi civils – et en Belgique, plus de civils que de soldats - paieraient de leur vie la folie meurtrière des empires vieillissants. Durant ces quatre années, pas une famille qui ne perdit un ou plusieurs êtres chers. Quand on a soixante ans et des poussières, on a connu pas mal des gens ayant subi celle qui devait être la « der des der ». Ils n’en parlaient pas nécessairement : les privations et les atrocités de la suivante occupaient encore toutes leurs pensées. Jusqu’à tout récemment, je n’avais donc pas pris conscience de la dureté de l’Occupation entre 1914 et 1918. Je frémis rétroactivement. Et je pense important de se souvenir aujourd’hui.
C’était il y a un siècle. C’était hier.