Chronique familiale : (9) Outremeuse : l’île des tanneurs
"La Vierge au chancelier Rolin" de Jan Van Eyck avec, en arrière-plan, un panorama de Liège au XVe siècle. On reconnaît la cathédrale Saint-Lambert à droite, le quartier d'Outremeuse à gauche, et les reliant : le pont des Arches.
Eustache ENGLEBERT, fils d’Eustache et d’Anne LIBERT, a 20 ans lorsqu’il épouse Anne HODEIGE le 11 janvier 1680 en l’église St Adalbert de Liège. Aussitôt, les jeunes mariés s’installent dans la paroisse de Saint-Pholien, en Outremeuse. Tous leurs enfants naissent, en effet, sur cette île formée par l’Ourthe, la Meuse et ses biefs. D’où son nom : « entre Urte et Mouse ».
Situé, sur la rive droite du fleuve, Outremeuse fait partie de l’ancien Vinâve des Prés, l’un des trois quartiers originels de la Cité, coupé en deux par le bief du Barbou. Il s’agit donc en réalité de deux îlettes, reliées entre elles par le Pont Saint-Nicolas et rattachées au centre de la Cité par le pont des Arches. C’est, aujourd’hui encore, l’un des plus anciens et des plus populaires quartiers de Liège, bien connu pour ses festivités du 15 août en l’honneur de Sainte-Marie, qui mêlent allègrement profane et sacré.
Outremeuse. Près du pont des Arches : le clocher de Saint-Pholien
Dès le XVe siècle, Outremeuse est le quartier des tanneurs. Les cuves de décantages étant dangereuses et nauséabondes, des règlements très stricts ont été édictés par la corporation, qui a délimité un périmètre pour l'exercice de la profession, le long de la Meuse. Selon Wikipédia, l’obligation de résidence et d'activité engendra des unions entre parents, si bien qu'au XVIIIe siècle les habitants de Saint-Pholien se considéraient tous cousins.
On peut donc légitimement supposer qu’ayant grandi dans l’Isle, Eustache ENGLEBERT n’est pas d’une famille de tanneurs mais qu’il fait l’apprentissage du métier en Outremeuse, où il rencontre Anne HODEIGE, baptisée à Saint-Pholien comme tous ses frères et sœurs, et donc plus que vraisemblablement fille de tanneur.
Anne est née le 4 juin 1659. Elle est le huitième enfant d’une fratrie de sept filles et trois garçons. Ses parents se nomment Léonard HODEIGE et Jeanne LEONARD ou LINARD ou LYNAR en fonction des actes de naissance des enfants.
Le métier de tanneur est physiquement pénible mais, surtout, il soumet ceux qui le pratiquent à des émanations malodorantes et potentiellement toxiques liées au travail des peaux ainsi qu’à l’utilisation de la chaux et du tan (solution à base d’écorces de chêne) pour préparer les cuirs.
Les peaux doivent, en effet, être ramollies, foulées dans l’eau, nettoyées et étirées au couteau rond sur un chevalet, avant d’être épilées, baignées, ébourrées, écharnées, nettoyées dans la Meuse et mises en fosses. Ces cuves étanches peuvent contenir de cinquante à soixante peaux superposées que le tanneur entrelarde de couches de tan. Elles y resteront plusieurs semaines. Au sortir des fosses, les cuirs rincés et brossés, sont suspendus au séchoir. L'ensemble des opérations de tannage s'étend sur dix-huit mois à deux ans.
Les fosses à tan (illustration de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alambert)