Consommer pour exister
Je ne sais pas vous, mais moi, chaque matin, quand j’ouvre ma messagerie, les propositions d’achats en ligne me sautent à la figure.
Parce que j’ai offert un album « Ernest et Célestine » à Petit Loup l’autre jour et un bouquin sur la méthode Gordon à sa maman, parce que je me suis acheté un roman de Patricia Cornwell, Amazon me bombarde de suggestions de livres pour petits, d’ouvrages éducatifs et de polars. Problème : ce sont les vieux ouvrages Hetzel à couverture en percaline que je recherche !
Parce que j’ai confectionné pour ses arrière-grands-mères un calendrier illustré des meilleures photos de Petit Loup, je me vois chaque semaine proposer de nouveaux calendriers à prix complètement fracassés (pas vraiment de saison !), en même temps que des albums photos et cinquante tirages à 50% (juste avant les vacances !), des mugs et des t-shirts avec le bouille dudit Petit Loup, ou celle du chien, au choix, des coques iPhone (je n’ai pas de GSM !), des banderoles ( ?)…
Dans ma boîte de réception, ce matin, il y a des couteaux aux manches jaune fluo, une spatule verdache et un fouet orange (de cuisine, le fouet, qu’alliez-vous penser ?). Il y a des lunettes de soleil à larges branches zébrées pour la lionne que je suis, des baskets rose aussi fluo que l’orange du fouet, des poufs fuchsia, turquoise et mauve, carrés, rectangulaires ou en forme de poires, pour l’intérieur et pour l’extérieur, ben tiens ! Il y a des soutiens-gorge pour « sublimer mon décolleté », une table de massage pour « dire stop à mon corps douloureux », ainsi qu’un solitaire, « bague intemporelle de l’amour éternel ». C’est certain que si je me fais masser avec un soutien-gorge affriolant, cela vaut bien un solitaire !
Vous me direz que je pourrais me désinscrire à ces newsletters. Sans doute ! Mais, du coup, je raterais la paire de sandales Clarks hyper confortables, la housse de couette bleu nuit parfaitement assortie aux rideaux de la chambre et le mignon lion-doudou que je compte offrir au petit-fils nouveau-né d’un vieux copain.
Donc j’enrage. De devoir renoncer, ni aux fouets ni aux poufs mais bien aux sacs à main italiens si raffinés dont je n’aurais nul usage, aux nappes somptueuses que j’aurais peur de tâcher, aux petits robes d’été qui ne dépassent pas le 38, aux lunettes de stars qui ne permettent pas le Varilux….
Et j’endure. Le temps perdu à parcourir ces offres, les clics inutiles pour virer ces encombrants à la poubelle et ceux qui videront la poubelle. J’endure ma boîte saturée où j’ai bien du mal, chaque matin, d’identifier d’un coup d’œil un seul le courrier professionnel ou personnel comme naguère lorsque je relevais ma boîte aux lettres, désormais bourrée de… dépliants publicitaires. Et le bombardement reprend : le lait à moins 10% chez Delhaize, un bon de moins 5 € pour 100 € d’achat chez Carrefour, un lait démaquillant gratuit pour l’achat de deux chez Di…
Ne serions-nous plus que des consommateurs ?
Et des pigeons.