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Mon ordi et moi
Mon ordi est aux petits soins pour moi. Bien plus efficacement que la poste, dont l’incompétence mériterait à coup sûr un billet, il se fait le messager de tous les bons samaritains qui veillent à me rendre la vie plus confortable, plus chatoyante, plus… pimentée. Ainsi, m’annonçait-il ces jours derniers qu’il est temps de remplir ma garde-robe de vêtements chauds, mais aussi de penser aux fêtes de fin d’année, que je suis une VIP à qui 20% de réduction sont réservés, que la boutique X est en fête pour moi, qu’un album photo acheté m’en vaudra un deuxième offert, que je dispose de mille « smiles » à convertir en bons d’achats, que plus j’achète plus j’économise (?), que je pourrais facilement gagner un ensemble barbecue, une poêle, un robot ménager, une panoplie bricolage (made in China)…
Il paraît, par ailleurs, que le très sexy Marc, à 15 km de chez moi, a très envie de « chater » avec moi. Qu’est-ce à dire réellement ? Et aussi que je n’ai toujours pas cliqué sur le lien ci-contre pour savoir « Comment rester jeune sans botox ». Ai-je besoin de botox ? Je n’y ai jamais pensé, mais il est clair que mon ordinateur, lui, (et peut-être ce « chateur » de Marc ?), estime qu’une cure de rajeunissement ne serait pas superflue.
J’ai déjà à maintes reprises prié mon ordi de se mêler de ce qui le regarde, à savoir me permettre de communiquer rapidement par écrit avec ma famille, mes amis et mes relations professionnelles, conserver le plus précieusement possible mes textes, mes comptes et mes photos, me permettre de consulter Internet chaque fois que j’ai envie de m’informer ou de me distraire.
Rien n’y fait ! C’est un têtu. Pour dix correspondants indésirables éliminés, trois nouveaux font intrusion dans ma boîte mail sans que je ne les aie en aucune façon sollicités. J’ai beau lui crier que j’en ai marre d’être considérée comme un distributeur de billets, une machine à sous, un portefeuille électronique ambulant, une bourse sur pattes, une gentille consommatrice consentante, une pigeonne à pigeonner, il continue imperturbablement à me signaler les livres pour enfants à offrir à Noël, les boots et combinaisons de ski au meilleur prix (je n’ai pas skié depuis quarante ans !), les week-ends super avantageux de l’hiver, les derniers progrès du smartphone… Pire : il pratique un éhonté chantage au ridicule en m’accusant d’être bloquée au stade néolithique parce que je n’ai pas encore succombé au charme de l’iPhone et même d’aucun autre téléphone portable (si, si, c’est vrai !).
Est-ce pour me punir de ma manifeste mauvaise volonté à répondre à ses sollicitations qu’il m’a plantée, il y a quelques semaines, au beau milieu d’un gros boulot ? Je le crains. Il sait que je ne peux me passer de lui pour toutes les tâches susnommées et en profite pour continuer à me vanter imperturbablement les charmes des plages paradisiaques (comme s’il ignorait que nous ne sommes pas particulièrement « sea and sun »), le troisième pantalon gratuit à l’achat de deux autres (comme s’il ne savait pas que je viens d’en acheter un), le matelas à mémoire au meilleur prix (comme s’il oubliait que nous venons de remplacer notre sommier antédiluvien et son vieux matelas !).
En fait, mon ordi est un tyran.
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