Se dépasser sans blesser ni se perdre
« Enfant juif caché durant la guerre, j’ai longtemps cru être d’origine roumaine. Il m’a fallu participer à un congrès de neurochirurgie à Bucarest en l’an 2000 pour découvrir que mes parents étaient moldaves. Soit ! Cela ne change rien à ma vie ni à mon être profond. Cela témoigne seulement des turbulences qui ont agité cette région du monde au cours des dernières décennies. Néanmoins, il n’est pas interdit de penser que, sans elles, je ne serais pas devenu ce que je suis aujourd’hui, un neurochirurgien belge, juif et liégeois, à la carrière internationale, engagé sur le tard en politique, avec toujours au centre de mes préoccupations : l’homme ! »
Voici notamment ce que m’a confié le sénateur Jacques Brotchi (MR) après m’avoir demandé de mettre son témoignage autobiographique en forme. C’est ce minutieux travail d’écriture qui m’a valu de nombreux déplacements à Bruxelles durant tout le printemps et l’été 2013, où je le rencontrais tantôt à son domicile ucclois, tantôt à l’hôpital universitaire Érasme - il y avait longtemps été professeur et chef du service de neurochirurgie - tantôt au Sénat, dans son bureau de la Fédération Wallonie Bruxelles ou dans celui du Parlement de la Région bruxelloise. Et voilà que le livre vient de sortir sous le titre « Se dépasser sans blesser ni se perdre »(*), la devise qu’il s’était choisie en 1988, lorsque le roi Baudouin le fit chevalier, avant que le roi Albert II ne l’élève au rang de baron en 2007.
Par ce récit, ce grand neurochirurgien qui posait son bistouri en décembre 2012, a surtout voulu montrer que la passion d’abord, le travail ensuite, permettent de déplacer les montagnes. Fils d’immigrés, miraculeusement sauvé avec ses parents grâce à la solidarité de tout un village de la région liégeoise, il n’était en rien prédestiné à faire la carrière internationale qui fut la sienne ni à cumuler les honneurs. Il allait pourtant opérer des grands de ce monde, former de nombreux neurochirurgiens d’ici et d’ailleurs, aider les pays émergents à réduire leur retard en neurochirurgie, être élu tour à tour président de la Société belge, de la Fédération francophone puis de la Fédération mondiale de neurochirurgie, tout en assurant sa mission de chef de service soucieux d’offrir les meilleurs soins et technologies à tous ses malades, quelles que soient leurs origines sociales, philosophiques ou religieuses. Et s’il s’est finalement engagé en politique, c’est d’abord pour apporter à la société son expertise dans les domaines qui lui sont chers : la santé, l’enseignement et la bioéthique.
Voilà ! Ce n’est sans doute pas un ouvrage « grand public », mais un témoignage que je crois sincère et pour la rédaction duquel j’ai rencontré un homme profondément humain, soucieux de ses semblables, désireux d’être utile à la société en faisant non seulement progresser les techniques opératoires mais aussi les lois. On sait qu’il est un fervent partisan d’un élargissement de la loi sur l’euthanasie, en particulier des volets qui concernent les mineurs et les personnes atteintes de maladie cérébrale. La question est délicate. Elle est aussi cruciale. Et brûlante d’actualité. Le chapitre consacré au sujet pourrait aider les lecteurs à se forger une opinion.
(*) Ed. Luc Pire