Albert(e)
Il y a quelque chose de réellement hypnotique à suivre les déambulations d’Albert(e) dans le jardin. Monotone, impassible, elle va, vient de son pas obstiné de tortue, broutant sans relâche, ne se décourageant ni de buter contre un arbre ni de heurter une bordure, pivotant au besoin sur elle-même pour repartir de plus belle, lente, digne, affairée.
Albert(e) est bonne travailleuse. Sans rechigner jamais, elle preste ses sept heures par jour, s’accorde une pause à la mi-journée pour recharger ses accus, n’accuse aucune baisse de régime en fin de prestation mais, sous la pression de son syndicat, s’obstine à refuser heures supplémentaires et travail du dimanche, qu’elle voit comme une régression.
Les débuts de notre cohabitation se sont révélés chaotiques : il lui a fallu prendre la mesure de la tâche – la dimension du jardin - et retourner quelques jours chez son fournisseur pour accepter notre proposition d’emploi. Depuis, elle assume sa tâche sans faillir, va, vient de son pas obstiné de tortue, broutant sans relâche.
Nous l’avons baptisée Albert(e). Albert-le-robot ou Alberte-la-tondeuse-tortue ? Au choix.