Ensemble, c’est tout !

Il est étonnant d’observer les réactions de nos amis et connaissances depuis l’annonce du déménagement de Maman en terre rocherfortoise et surtout l’installation de ses pénates dans une aile de la maison de Louve Chérie.

On s’étonne, bien sûr ! C’est légitime. Bien que l’habitat groupé soit souvent présenté comme une solution parmi d’autres à la crise et que l’intergénérationnel soit perçu comme une réponse possible au vieillissement de la population par le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie, les initiatives en ce sens restent rares et les incitants fiscaux plus encore. Ajoutons que les logements modernes se prêtent mal, surtout en ville, à l’accueil familial qui fut pourtant la norme durant des millénaires. Il suffit de passer les actes de décès de nos ancêtres en revue pour s’en convaincre : à une époque où la sécurité sociale n’existait pas, les parents n’avaient bien souvent d’autre choix que de vivre sous le même toit que l’un ou plusieurs de leurs enfants, lesquels se regroupaient d’ailleurs volontiers, les célibataires s’entraidant entre eux ou venant prêter main forte aux mères débordées par des progénitures prolifiques. Moi-même, je n’ai connu mes deux grands-mères qu’habitant dans la même maison, pourtant urbaine, de leur fille ou de leur fils aîné. Mais, autres temps, autre mœurs ! Les mentalités ont évolué avec une aisance financière accrue des aïeuls et les alternatives de type maisons de repos et résidences services.

Donc, on s’étonne. Mais surtout, on s’inquiète ! S’habituera-t-elle à la campagne ? Pis : à la campagne profonde. La question n’est pas idiote. Après nonante ans de vie citadine, le changement de cadre (prés et forêts à perte de vue), d’environnement sonore (le silence seulement rompu par le chant des oiseaux), de température (deux à trois degrés de moins en hiver), de climat (plus de neige plus longtemps), d’habitude (chauffage individuel à pellets plutôt que chauffage central) ne vont-ils pas la perturber exagérément ? Elle répond qu’à son âge, elle aspire au calme et, depuis l’enfance, à la nature.

La solitude (quand Louve Chérie aura retrouvé du boulot) ne l’effraie pas non plus : après tout, dans son appartement bruxellois bien chauffé, elle était seule aussi la plupart du temps, son ordinateur et son chat lui tenant lieu de complices. Elle était surtout seule pour assurer les responsabilités quotidiennes, en particulier les courses, chaque mois plus lourdes, surtout au cours des hivers de plus en plus rigoureux que nous connaissons depuis quelques années.

Alors ? Alors, reste bien sûr l’aspect relationnel. Une personne âgée et un jeune couple, l’équation est-elle vivable ? Je l’ai déjà écrit : la disposition des lieux telle que nous l’avons organisée, l’affection réciproque profonde de la grand-mère et de sa petite fille, la discrétion de l’une, les compétences professionnelles de l’autre, enfin l’heureux caractère de chacun des protagonistes devraient préserver l’intimité de tous tout en favorisant les échanges pratiques, intellectuels et affectifs.

Et c’est mon tour de m’étonner de l’étonnement de certains. Après tout, des milliers de lecteurs, des centaines de milliers de spectateurs (des millions ?), ont applaudi le livre d’Anna Gavalda et le film qui en fut tiré « Ensemble, c’est tout ! » (*), dans lesquels trois jeunes gens font l’apprentissage difficile de la cohabitation, de l’entraide, de la compréhension mutuelle, tout en accueillant la grand-mère de l’un d’eux. Et chacun de se sentir ému aux larmes par l’improbable rencontre et la rédemption mutuelle de ces quatre paumés de la vie, pleins de bleus, de mal-être, de révolte et de bosses, qui s’en sortent, au final, précisément parce qu’ils sont ensemble, c’est tout !

De la fiction à la réalité, il n’y a pourtant qu’un pas que peu franchissent alors même que, malgré d’inévitables écueils, il est riche de multiples possibles. Nous l’avons franchi et, jusqu’à présent, rien ne vient augurer que quiconque pourrait le regretter. Même Milord, le maillon faible de l’aventure, semble trouver ses marques parmi les chevaux et les chiens qu’il se contente pour l’instant d’observer de loin. Alors, bien sûr, le seuil de l’été met enfin du soleil dans le cœur de chacun et facilite joyeusement la vie quotidienne. Mais nous voulons croire que l’hiver venu, chacun ayant trouvé sa place dans ce trio si peu conventionnel, les longs mois d’hiver n’altèreront ni l’enthousiasme ni la santé de l’un ou de l’autre. Et si, en prime, Louve Chérie et son loup à elle pouvaient avoir déniché un boulot proche de chez eux, ce serait presque le paradis ! On peut rêver, non ?

Comments

[annalucilla]

Bisous et plein de bonheur, ma chère tante Marthe! Et merci à tes petits-enfants de te gâter... cela donne des frissons... A bientôt j'espère :-)

[incarnat]

Florence et Laurent m'ont consacré cette après-midi; elle et moi avons fait la tournée d'un grand magasin et ramené des provisions alléchantes, lui s'est muni des outils qui ont cloué des cadres, installé définitivement des prises électriques, orné la baignoire de la barre et du rideau... Je suis impressionnée par leur vigueur, leur énergie..et leur gentillesse. Se sentir comme un peu (beaucoup?) prise en charge surprend, réconforte, rassure et accentue encore le sentiment de gratitude que j'éprouve. C'est infiniment doux, après une vie tellement active, de soudain comprendre qu'on peut cesser de ramer et vivre, tout simplement, au rythme des saisons.

Bisous, Mamilouve, et par la même occasion, bisous à ma nièce Anne que je découvre ici avec joie.

Lorraine

[mamilouve]

:-)

[annalucilla]

Annalucilla, c'est ta cousine Anne ;-)

[mamilouve]

Merci Annalucilla ! Le cher Milord semble de plus en plus apprécier. Nous n'en espérions pas tant, en fait ! :-)