L'âge du sex
Ca y est ! C’était couru d’avance, annoncé, programmé même : j’ai l’âge du sex. Pas du sex-appeal, qui aurait plutôt tendance à ficher le camp pour le coup. Non ! L’âge si peu glamour que l’on dit « troisième », celui qui vous bascule du jour au lendemain dans la catégorie respectable des « seniors », dans ce monde gentillet de mamys-papys dont on admire le dynamisme comme un exploit qu’il n’est pas, dont on envie la sérénité (qui couronne les vies très très longues !), dont on vante la jeunesse d’esprit (qu’on ne s’attend pas à trouver chez de tels fossiles !). Je suis sexagénaire.
Je n’ai pas vu le temps passer. Dans ma tête, j’ai toujours vingt ans. Enfin, trente. Grand maxi ! Pas quarante, en tout cas. Souvent, je me surprends à penser : « Tiens, ces études me plairaient bien ! » ou « J’aimerais bosser dans cette branche » et même « Un troisième enfant, ce ne serait pas mal ! ». Sauf que j’oublie les années déjà vécues, les diplômes jaunis au fond d’un tiroir, le corps plus lent, plus lourd, la ménopause… l’âge, quoi !
Bizarre comme c’est étrange ! Le corps trinque mais l’esprit reste curieux, avide d’aventures renouvelées, d’entreprises un peu folles. Les rêves d’autre chose ou d’ailleurs ne se sont pas fait la malle. Tout au plus sommeillent-ils dans quelque recoin secret du cerveau et n’attendent qu’un déclic pour ressurgir tels des pantins hors de leur boîte. Il suffit d’une lecture fortuite, d’un reportage insolite sur l’écran plat du salon, d’une rencontre, d’une image, d’un mot… Mais déjà le mirage s’estompe. Il n’aura duré que l’espace de ce jaillissement facétieux. Car la réalité n’est jamais bien loin, conquérante, insistante, victorieuse.
Donc, une fois de plus la réalité a ramené illico presto mon esprit vagabond vers le présent. Un présent qui n’est pas nécessairement malheureux, ni même triste, plutôt pas mal même, avec des super souvenirs, de grands moments de plénitude et de joie, des réussites et des fiertés, mais aussi des d’échecs, des regrets bien sûr et même quelques remords. Mais un aujourd’hui quand même en décalage avec ce que j’avais envisagé, cru, espéré, rêvé. Tant pis pour moi ! Trop tard pour faire marche arrière ! Ce qui a été fait et dit, l’a été.
Par contre, il n’est pas trop tard pour regarder vers l’avant. Je n’étudierai jamais l’histoire de l’art mais j’aime me balader dans les musées et les villes hérissées de vestiges du passé ; je ne serai jamais écrivain mais j’écris au quotidien pour moi et désormais pour ceux qui voudront bien découvrir ce blog ; je n’aurai jamais de troisième enfant mais un petit-loup nous est né voici trois ans. Adorable. Que dis-je ? Fabuleux. Le plus beau petit-loup du monde, le plus malin, le plus… Je gagatise là, non ?
Bref, j’ai soixante ans.