Brève de sexa
Quand j’étais enfant - et même encore adolescente - chaque 10 juillet, j’adorais faire raconter à Maman sa folle journée de l’été 1950 et des poussières (*). Il y avait la canicule qui sévissait cette année-là comme celle-ci. L’insouciance de ma mère qui allait à la visite médicale parce que, quand même, la date prévue était dépassée de quelques jours. Ma grand-mère, plus expérimentée – quatre enfants, cinq petits-enfants – qui décidait de l’accompagner en insistant pour qu’elle emporte sa valise. En vain.
Il y avait le tram, la rue en forte pente, la chaleur… et, à l’arrivée, l’infirmière qui s’exclamait « Mais, madame, vous êtes en train d’accoucher ! ». Maman n’avait rien senti. Juste une fatigue inhabituelle. Une opération subie quelques années auparavant avait supprimé sa sensibilité aux contractions. Une demi-heure encore et elle me sentait passer. Mais j’étais là et bien là, rouge et hurlante. Cela effaçait d’un coup d’un seul toutes les souffrances, par ailleurs très brèves.
Pendant ce temps, ma grand-mère s’était réenfilée la rue en pente puis le tram pour aller chercher la valise, à nouveau le tram et la forte pente, non sans laisser un mot sur la table de la cuisine pour avertir mon père qui rentrerait bientôt du bureau.
Quand, à son tour, il arriva à l’hôpital, tout était terminé. Maman et Bébé propres, apaisés, reposaient dans la chambre. « Et alors ? », demanda-t-il, en poussant la porte. « C’est une fille », répondit Maman. « Une fille ? Mais qu’est-ce que tu veux que je fasse d’une fille ? ». Il ne tarderait pas à le savoir et fut, je m’en souviens, un père attentif et aimant qui ne sembla plus jamais regretter de ne pas avoir eu de garçon.
Un an plus tard
(*) Déjà merci à ceux qui me voudront me souhaiter un bon anniversaire. Ce n’est pas indispensable. Une poussière s’ajoute aujourd’hui à toutes celles déjà emmagasinées. L’important, c’est qu’il fasse soleil pour vous tous. J’espère que c’est le cas.