Un centenaire fécond
Une tuilerie au XVIIIe siècle (encyclopédie de Diderot et d'Alambert)
En généalogie, les histoires se suivent et ne se ressemblent pas nécessairement.
Bien sûr, il y a beaucoup de décès d’enfants en bas âge et de femmes en couche, beaucoup de remariages des veufs pour élever leurs petiots et de nouvelles naissances, il y a des enfants illégitime souvent reconnus ou légitimés par mariage, il y a pas mal de mariages in extrémis quelques semaines ou quelques jours avant la naissance, il y a peu de centenaire. Il y a quantité de gens très simples, journaliers ou artisans, fileuses ou couturières, rarement un artiste, un lettré, un clerc, plus rarement encore un mendiant car la solidarité familiale était forte en ces temps lointains et les parents sans ressources vivaient avec leurs enfants adultes, célibataires ou non.
Pourtant, des destins très divers se font souvent jour dans une même famille. Je pense en particulier à Marie Rosalie, dont j’évoquais le statut de mendiante dans le billet précédent, et à son arrière-grand-père Nicolas DELFOSSE, dont, grâce à une très lointaine cousine croisée sur Geneanet, je viens de découvrir qu’il connut, au contraire, une vie particulièrement féconde sinon prospère. Il mourut, en effet, en 1743, « veuf de Philippote BAUDOIN, âgé de cent ans aux environs. Il avait 73 ans de mariage et a laissé bien 100 enfans, petit enfans, arrier petit enfans, neveux, nièces et arrière petit neveux et nièces » (AD Englefontaine, p. 60).
Nicolas était donc né vers 1643. La même année que Louis XIV ! Il avait été tuilier à Englefontaine, l'argile de la région se prêtant particulièrement à cette activité. L'exploitation de ses gisements fut, en effet, toujours très importante en Avesnois. D'abord utilisé pour la construction, sous forme de torchis puis de brique, il le fut ensuite pour la poterie. Englefontaine, où des gisements fournissaient un argile au grain fin et de couleurs variées, fut même extrêmement renommée pour ses productions de carreaux et de tuiles dès le milieu du XVIIIe siècle. Aujourd’hui encore, la rue des Tuileries rappelle qu’elle était entièrement consacrée à cette activité au XIXe siècle.
J’ignore si mon ancêtre Nicolas fut un tuilier prospère, mais le fait est qu’il semble également avoir été échevin de ce qui était encore une seigneurie, autrement dit un notable. On peut donc supposer qu’il savait lire et écrire, ce qui est exceptionnel pour l’époque. Il a connu les règnes de Louis XIII, Louis XIV et Louis XV et toutes les guerres, toutes les famines, les épidémies et les révoltes du temps.
Pour comprendre la déchéance ultérieure de son arrière petite-fille Marie Rosalie, il faut sans doute, comme je le précisais, incriminer son veuvage et la mort de la plupart de ses enfants, mais aussi, plus que probablement, les déboires du village suite au séjour qu’y firent les Autrichiens en 1793, puis la terrible occupation des troupes anglaises, autrichiennes et russes après la défaite napoléonienne de 1815. Quoi qu'il en soit, leurs destins ne se ressemblent en rien.