Chronique familiale : (10) Une pluie de feu
Quand Liège se fait bombarder (ici en 1701)
Entre 1680 et 1699, Anne HODEIGE, l’épouse d’Eustache ENGLEBERT, met quatre filles et cinq garçons au monde. L’aînée (22/10/1680) s’appelle Anne, comme sa mère et sa grand-mère paternelle qui est aussi sa marraine. Suit Léonard (14/06/1682), ainsi nommé en l’honneur de son grand-père maternel, le tanneur Léonard HODEIGE, sans doute décédé à ce moment car c’est son fils Mathieu qui est choisi pour parrain. Nous descendons de Léonard. Viennent ensuite Jeanne (16/10/1683), Marie Anne (16/01/1686), Barbe (26/08/1687), Eustache (03/09/1689), puis, curieusement, alors que le premier est toujours en vie, un second Léonard (21/03/1693). Jean Baptiste (25/09/1695) et Pierre (07/10/1699) clôturent la série. Le parrain de Jean Baptiste est Jean Baptiste HODEIGE, le frère de sa maman déjà témoin au mariage de ses parents. Sauf qu’ici, il est précisé « Honorable Jean Baptiste HODEIGE ». De là à supposer qu’il exerce une fonction reconnue dans la corporation des tanneurs, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement.
J’ai déjà évoqué les pénibles conditions de travail et de vie des tanneurs en Outremeuse. A celles-ci, s’ajoutent une fois de plus les conflits des grandes puissances qui convoitent la ville.
En 1691, parce que, sous la pression des Hollandais qui menaçaient de la mettre à feu et à sang, Liège est sortie de la neutralité promise au roi de France pour venir en aide au roi d’Espagne, un terrible châtiment s’abat sur elle. Le marquis de Boufflers à la tête de l’armée de Louis XIV ordonne le bombardement de la ville. Du 4 au 9 juin, une pluie ininterrompue de bombes et de boulets rouges propage des incendies dans tous les quartiers de la ville. Trois mille maisons sont détruites, aussitôt pillées par les troupes envoyées pour porter secours aux habitants.
Il n'est pas trop difficile d'imaginer le calvaire subit par les Liégeois. On remarquera d'ailleurs qu’il n’y a pas de naissance chez les ENGLEBERT entre 1689 et 1693, alors que jusque là, le rythme d’un bébé tous les deux ans voire tous les ans. Fausse couche ou abstinence ? Quoi qu’il en soit, les temps sont durs et les époux ont bien d’autres chats à fouetter.
Ce bombardement détruit la Maison de Ville « la Violette » et presque toutes les demeure situées entre le marché - qui jouxte la cathédrale Saint-Lambert - et la Meuse. Le siège des affaires de la commune est provisoirement transporté dans une vaste maison du bas de la Sauvenière, jusqu’à la construction d’un nouveau bâtiment, qui est toujours l'Hôtel de Ville actuel. « Les guerres continuelles et les passages de troupes dont notre territoire fut alors le théâtre retardèrent cette construction jusqu’en 1713, époque à laquelle la Paix d’Utrecht vint enfin rendre le calme au pays » (*)
L'hôtel de Ville, sur la place du Marché, face au perron, symbole des libertés (1738)
Toutes ces épreuves n’empêcheront pourtant pas Eustache ENGLEBERT et Anne HODEIGE de jouir d’une longévité exceptionnelle pour l’époque, puisqu’il décède en Outremeuse le 17 avril 1741, soit à près de 81 ans. Quant à elle, elle décède le 31 août 1744, à l’âge de 85 ans.
(*) Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire ,Camille Félix Michel Rousset, 1863