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Journal d'une mamy-boomer
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18 janvier 2013

Les soldates et les chauffeuses, les ingénieures, les cheffes et Mme le Secrétaire perpétuel

Ce pourrait être le titre d'une fable de la Fontaine. Ou d'une "Lettre de mon moulin". Eh bien, non !

Certain(e)s auront peut-être tiqué au terme de « chauffeuse » dans mon billet précédent. S’il ne figure ni au petit (et au grand) Robert, ni dans le Larousse, ce féminin est pourtant parfaitement accepté en Belgique francophone pour désigner non un fauteuil mais bien une conductrice transportant un(e) passager(e).

La langue est intimement liée à notre système de pensée. Comme beaucoup, je pense donc essentiel de donner des appellations féminines aux métiers et fonctions occupés par les femmes. Pour qu’on les voie, qu’on les entende, que l’imaginaire des enfants du XXIe siècle soit formé à la mixité des rôles dans la société !

Les Québécoises l’ont compris très tôt. Dès 1979, des recommandations officielles ont d’ailleurs débouché sur un petit guide « Au féminin au Québec », présentant une liste de noms au masculin et au féminin, avec une préférence marquée pour la terminaison « e ». C’est là qu’on a vu apparaître les premières écrivaines, professeures et ingénieures, mais aussi des instituteures et des directeures en lieu et place d’institutrices et de directrices qui existaient pourtant précédemment. 

En Suisse romande, dans le canton Genève, un règlement a imposé dès 1988 la féminisation dans les administrations. Les Suisses sont attachés aux formes anciennes en « eresse » comme « doctoresse », « poétesse », « notairesse »,  moins prisées chez nous. On y trouve également des « cheffes » ou « cheffesses ».

En Belgique francophone, c’est en 1993 que Mme Michèle Lenoble-Pinson, professeure de linguistique, a rédigé un premier guide « Mettre au féminin ».

Pour ce faire, elle s’est basée sur quelques règles grammaticales de base :

-       les noms masculins se terminant par « e » restent invariables (architecte, architecte) ou forment le féminin en « esse » (comte, comtesse ; notaire, notairesse) 

-       s’ils se terminent par une consonne, le féminin prend « e » (régent, régente) 

-       s’ils se terminent en « eur » et dérivent d’un verbe, le féminin se forme en « euse » (chanter, chanteur, chanteuse) ; sinon, ils restent invariables (professeur, professeur) (*) ; seuls les noms en « eur » exprimant un comparatif ou un superlatif forment le féminin en « e » (supérieur, supérieure) 

-       les masculins en « teur » le forment en « trice » (directeur, directrice).

Dix ans plus tard, elle allait pourtant se rendre compte que l’usage avait largement adopté les formulations québécoises en « e », même lorsqu’il ne s’agit pas d’un comparatif ou d’un superlatif (ingénieur, ingénieure), même quand la forme en « esse » existe (notaire, notairesse ou notaire ; poète, poétesse ou poète). Dès lors, parce que le français est une langue vivante qui doit évoluer avec les mentalités, elle a proposé de concocter une nouvelle édition du guide. Lequel a vu le jour en 2005 avec des féminins en « e », conseillés mais non obligatoires.

Il y a donc chez nous aujourd’hui des égoutières, des ingénieures, des soldates et des théologiennes, des docteures plutôt que des doctoresses, une colonelle véritablement gradée de l’armée au contraire des épouses de colonels qui en usurpent le titre et le prestige depuis des siècles. Il y a des professeures, des chancelières et des femmes-grenouilles, mais pas ces cheffes et cheffesses si chères aux Suisse(esse)s !

Pour les titres, Michèle Lenoble-Pinson a distingué la fonction de la personne. Ainsi, Angela Merkel est-elle chancelière fédérale d’Allemagne, mais, à la fin de son mandat, la population élira un chancelier, fonction pouvant être occupée par un homme ou une femme. Annoncer qu’on élira une chancelière exclurait les candidats masculins alors que l’inverse n’est pas vrai.

Et la France dans tout cela ? Il est piquant de constater que, l’Académie considèrant la langue comme  un patrimoine à protéger, l’Hexagone reste le plus rétrograde. En 1986, puis en 1998, deux circulaires ministérielles imposent pourtant la féminisation des textes administratifs. Le beau guide « Femmes, j’écris ton nom… » accepte presque tous les féminins en « eure ». Dans la pratique pourtant, à part « Le Journal officiel » et « Le Monde », les Français féminisent peu.

Certaines réticences à l’usage des noms féminisés viennent également des femmes elles-mêmes. Comme si accéder à un titre jusque là exclusivement détenu par les hommes était plus prestigieux au masculin qu’au féminin ! Ainsi, lorsque la première femme a été nommée au poste de recteur de l’Université libre de Bruxelles (ULB), elle a exigé d’être appelée « Mme le Recteur ». Et lorsque Mme Hélène Carrère d’Encausse a succédé à Maurice Druon à l’Académie française, elle s’est fait appeler « Mme le secrétaire perpétuel ». Cependant, l’ULB a une vice-rectrice et, à Paris, l’Académie des Sciences a une secrétaire perpétuelle.

(*) Le verbe « professer » existe mais n’a pas la même signification que le nom de métier : un professeur ne professe pas, il enseigne.

P1040713

De tout temps, il y a eu des pécheresses. Mais à quand des pécheuses de crevettes à cheval en mer du Nord ?

 

 

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Commentaires
M
Cela se fait-il vraiment "tout seul" ? Je pense qu'il faut des hérauts. Ou plutôt des hérautes ? Là, je suis bien embêtée car, bien sûr, au moyen-âge, cette fonction n'était assumée que par des hommes. Mais puisque le terme subsiste sous sa forme figurée, il faudrait lui trouver un féminin, qui ne figure encore ni dans mon petit guide "mettre au féminin", ni dans "Femme, j'écris ton nom", que l'on peut consulter en ligne sur <br /> <br /> http://atilf.atilf.fr/gsouvay/scripts/feminin.exe?CRITERE=LIVRE<br /> <br /> Merci, Carole, pour ton avis et ton souci de Lorraine.
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C
Totalement d'accord avec toi ! Les mots sont la pensée, et les féminiser est devenu vraiment important. Je crois qu'en effet cela se fait "tout seul", parce que chacun comprend que le monde change. J'ai beaucoup regretté l'attitude d'Hélène Carrère d'Encausse qui a manqué une belle occasion de transformer de l'intérieur l'Académie.<br /> <br /> Bonjour à Lorraine à qui je souhaite un bon rétablissement.
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M
Chère Mamilouve. J'ai lu avec beaucoup d'attention ton billet fort intéressant.<br /> <br /> Je me permets toutefois de fortement nuancer tes propos concernant la France. D tout temps dès le 12e siècle, nous avons largement et systématiquement féminisé les noms de métiers ou de fonctions puisque c'est de ça dont il est question dans ton article.<br /> <br /> Il est vrai qu'à partir du 19e siècle une certaine forme de sexisme ambiant a relégué la femme dans un rôle subalterne. De ce fait, les féminisations des métiers nobles (médecin, avocat, colonel, général etc...) étaient réservées aux épouses de. Cette tendance s'est étendue jusqu'à une époque encore récente où l'on disait Mme la pharmacienne pour désigner l'épouse du pharmacien. Celle qui était titrée étant appelé Mme le Pharmacien. S'engoufrant dans cette pratique, l'Administration Française est restée dans cette tradition sexiste. En 1998, Lionel Jospin, premier ministre, a rappelé dans une directive la nécessité de féminiser les noms de métier ou de fonctions et en fait injonction aux différentes administrations et corps d'état.<br /> <br /> <br /> <br /> A la suite de cela, la Documentation Française a édité un recueil sur le sujet dont je t'indique le lien : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/994001174/0000.pdf.<br /> <br /> <br /> <br /> Il est très intéressant. Cela a d'ailleurs servi de référence à mon commentaire.<br /> <br /> <br /> <br /> La société française est très ouverte à cette féminisation même si quelques rétrogrades intellectuels ou haut-bourgeois sexistes ou peu courageux continuent à pratiquer du : Mme le Secrétaire perpétuel.<br /> <br /> <br /> <br /> Dernièrement, à l'Assemblée nationale, Cécile Duflot, ministre du logement tacle vertement un des députés qui lui donnait du : Madame le Ministre : "En revanche, ce que je sais M. Accoyer, c'est que je suis une femme. Je vous prierai donc de m'appeler Madame LA ministre»". On peut en effet admettre qu'un nom de métier ou fonction est deux genres : féminin et masculin. C'est le cas entr'autres du métier de ministre.<br /> <br /> <br /> <br /> Voilà ma chère Mamilouve ce que je voulais compléter dans ton billet.<br /> <br /> Amitiés et à bientôt.<br /> <br /> <br /> <br /> PS J'espère que ta maman se remet de ses ennuis de santé et que nous la reverrons prochainement sur son blog. Mais ce n'est pas pressé, la santé d'abord.
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_
Je pense qu'en France, il y a l'Académie et les autres. Personnellement, je féminise, et constate qu'autour de moi c'est la même tendance. Par contre, on féminise ce qui n'était pas féminisé, par exemple : écrivain > écrivaine. Mais on on conserve institutrice comme féminin d'instituteur, c'est plus joli, je trouve, et de toute façon, ça existait déjà. <br /> <br /> Belles réflexions, Mariane (j'ai cru comprendre que c'était ton prénom, je me permets).
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M
A bien y réfléchir, le terme de "chauffeure" serait peut-être plus adéquat, car s'il dérive de "chauffer", le chauffeur ne chauffe pas (à part la voiture), il conduit :-)
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